vendredi 11 mai 2012

Vernissage de l'exposition "Julien Prévieux - Stratagèmes et espaces clos" dans les Grandes Galeries de l'ESADHaR


Visuel : George Bernard Shaw, "Cabane d'écriture"

Le lotissement, détail

Le lotissement,

What Shall We Do Next, film d’animation

What Shall We Do Next (animation) et Anomalies construites (vidéo)

Vernissage de l'exposition Julien Prévieux - Stratagèmes et espaces clos mercredi 16 mai à partir de 17h30 dans les Grandes Galeries de l'ESADHaR (Campus de Rouen).

Une proposition de Bernard Lallemand.

Julien Prévieux s’est fait remarquer sur la scène artistique contemporaine dans les années 2000 par ses lettres de non-motivation (Editions Zones). L’artiste a répondu à plus d’un millier d’offres d’emploi comme si celles-ci lui étaient adressées personnellement. Dans ces lettres, il joue tous les rôles possibles pour annoncer qu’in fine, il n’est absolument pas intéressé par l’emploi proposé. Les réponses en retour des DRH sont, la plupart du temps, très impersonnelles, autant de lettres stéréotypées et automatisées produites par la machine bureaucratique du monde de l’entreprise. Si cette action absurde a été si remarquée c’est qu’il retourne à l’envoyeur sa propre absurdité et met en lumière le vide de sa mécanique grotesque. 

Dans son film Post-post-production (2004) Julien Prévieux avait retravaillé l’intégralité des plans du James Bond intitulé « Le monde ne suffit pas » en ajoutant des effets spéciaux à outrance sur l’original déjà surchargé jusqu’à en faire un objet hypnotique et indigeste.
Dans ces deux projets, les Lettres de non-motivation et Post-post-production, on voit se dessiner une méthode qui s’apparente à celle du hacker. Nul doute que cette stratégie de résistance par le contre-emploi, le surrégime est éminemment politique. L’Esadhar Rouen/Le Havre présentera dans les grandes galeries d’exposition de l’Aître Saint-Maclou à Rouen sous le titre « Stratagèmes et espaces clos », plusieurs pièces récentes de l’artiste.
 
Le lotissement (projet en cours depuis 2008), une installation composée d’un certain nombre de reconstitutions de lieux de travail que furent les laboratoires, bureaux et ateliers de personnages aussi illustres que Gustave Malher, Ludwig Wittgenstein, Alexander Graham Bell, ou Virginia Woolf… Ce sont des lieux de retrait ou la pensée se met en action, autant de cabanes célèbres réunis dans un même espace utopique. L’échelle de ces “architectures”, leur opacité et leur couleur monochrome grise évoque les mausolées de célébrités que l’on rencontre au Panthéon ou au Père Lachaise. L’Esadhar de Rouen réalisera pour l’occasion une nouvelle construction avec l’aide de quelques étudiants dans son atelier de menuiserie. C’est le garage de William Hewlett et David Packard qui viendra enrichir cette prestigieuse collection. Il s’agit d’une construction modeste mais hautement symbolique puisqu’elle est reconnue comme étant le lieu de naissance de la Silicon Valley en Californie.
 
Deux autres réalisations seront présentées dans cette exposition. 
What Shall We Do Next, un film d’animation qui est une « archive de gestes à venir ». Les mouvements exécutés ont tous été déposés par des entreprises entre 2006 et 2011 auprès de l’agence américaine USPTO (United States Patent Trademark Office) lors de l’invention de nouveaux appareils, tablettes, téléphones portables, ordinateur, outils médicaux ou encore périphériques de consoles de jeux. Pour fonctionner ces objets requièrent des actions spécifiques décrites à l’avance alors qu’ils n’existent pas encore. La vidéo donne à voir ces mouvements que nous effectuerons dans un futur proche, un enchaînement de figures qui transforme la vidéo de démonstration en abstraction chorégraphique aussi luide qu’étrange.
Et Anomalies construites, une vidéo réalisée en 2011 qui rend compte de la manière dont certaines activités ludiques peuvent induire un travail très utile. Un lent travelling dans un open space montre un alignement d’écrans d’ordinateurs affichant des paysages abstraits correspondant aux pages d’accueil des différents logiciels de conception 3D. En voix off, deux narrateurs confrontent leur vision des dispositifs de contribution bénévole du web : « Je me suis mis à travailler gratuitement en pensant jouer, sans qu’on m’y force, à écrire des articles qui profitent à d’autres, à aider Google à numériser des livres, à modéliser des bâtiments…» constate un des narrateur.

Dans Stratagèmes et espaces clos, Julien Prévieux rend un hommage ambivalent aux grands créateurs et nous indique que nos espaces de liberté individuelle se réduisent très vite car les grandes multinationales ont déjà cadenassé le futur.
Il ne reste donc plus aujourd’hui que la soumission ou la résistance face au monstre sans visage engendré par la post-modernité. Dans cette résistance le hacker fait figure de héros et pour le célébrer nous attendons que Julien Prévieux construise sa cabane.

Bernard Lallemand



Exposition du 18 mai au 16 juin 2012
du mardi au samedi, de 9 h à 12h et de 14 à 18h
Conférence jeudi 24 mai à 14h30 en salle de conférences de l'Aître Saint-Maclou.


Grandes Galeries

ESADHaR, Campus de Rouen
186 rue Martainville
76000 Rouen
02 35 71 38 49