Vernissage 8 septembre 2012 18h-21h
Exposition du 8 septembre au 13 octobre 2012
du mardi au samedi 11h-19h
La part des anges
Est-ce seulement de la chimie, ou la
règle d’un jeu sérieux, un contrat passé avec le néant ?
C'est ce qu'il faut céder à l'inaccessible pour se délecter du
breuvage : une perte nécessaire à sa bonification, plus
encore, sa condition d'existence. Comme des lois de la vinification
aux règles de l'art il n'y a qu'un pas (de travers), l'on félicitera
avant la fin de la bouteille l'éloquence de cette équation
moléculaire appliquée à l'analyse de l’œuvre de Simon Nicaise.
Et l'on écartera d'emblée la thèse de la coïncidence en apprenant
que l'expression – excessivement poétique pour qualifier une
vapeur d'alcool – fut conviée par François Mitterrand lors de son
ultime interview télévisée.
Car l'artiste entretient une passion
singulière pour les derniers shows – autant que pour les premières
pierres d'ailleurs – fascination dont l'authenticité ne saurait
être déçue par la révélation de la mise en scène (tel le verre
d'eau sur le tabouret de Jerry Seinfeld), au contraire. Mais comment
retenir dans une forme l’énergie du dernier souffle, sans être
tenté de l'étouffer pour le mettre plus vite sous assistance
respiratoire (comme on greffe un moteur sur une éolienne) ?
Cette obsession discrète à embouteiller les nectars volatiles et
lyophiliser les intensités fugaces trahirait-elle un tempérament si
mélancolique qu'il se complaise dans la nostalgie par anticipation ?
Alors la figure du trouble-fête ou du rabat-joie (à l’aiguille
agile) ne masquerait-elle pas l'impatience de commémorer une chose
avant même qu'elle n'ait commencé ? A moins qu'elle ne fasse
raisonnablement que les hommages les plus flatteurs se prononcent au
cimetière...
Et il faut avouer que ce
court-circuitage des règles du temps et des lois mathématiques
(aidé par quelques effets spéciaux) plombe magnifiquement
l'ambiance, glacée par un suspens qui n'attend rien, tandis que la
roue tourne au ralenti, que les fluides se pétrifient ou s'écoulent
sans se vider, et que les ébauches ont tout de produits finis.
Si l’artiste répète à son endroit
le précepte de Douglas Huebler, il ajoute malgré tout - dès que
l’idée est assez bonne - de nouveaux objets à ce monde trop
encombré. Et s’il s’en dédouane en les imaginant reprendre leur
place initiale dans le réel (comme Duchamp y songeait), ce serait
avec une patte en moins, comme les victimes du sadisme naïf des
entomologistes en herbe. C’est ainsi qu’il exerce sur eux son
autorité. Les objets seraient-ils animés par un pouvoir leur
permettant de se retourner contre leur créateur, ce dernier, mimant
la maladresse et feignant le défaitisme, tire toujours les ficelles,
finit toujours par les faire tourner en bourrique, avec un geste
minimum, il est vrai. C’est avec la même insolence qu’il livre à
nos yeux des pièces dont la réussite formelle prétend au coup de
bol, quand tout semble savamment mis en œuvre pour que ça se casse
la figure. Et c’est avec une impertinence aussi talentueuse que,
tout en simulant la dissection du décor (Pelote de mur), il
soulève des émotions profondes en surjouant la pudeur dans une
poésie fleur bleue stockée dans un congélateur, ou un puissant
memento mori prononcé au rayon farces et attrapes des pompes
funèbres.
16, rue des Coutures Saint-Gervais
75003 Paris
mardi-samedi 11h-19h
www.dominiquefiat.com