mardi 23 février 2010

Exposition "Man is a Shadow's Dream - Kara Walker & Brigitte Zieger" dans les Grandes Galeries de l'Erba


 Brigitte Zieger: Sculptures anonymes, 2009

 Brigitte Zieger: Sculptures anonymes, 2009

 
Brigitte Zieger: Sculptures anonymes, La jeune fille face à la police militaire
Résine polyuréthane, 165 cm de hauteur avec socle, 2009

 
Brigitte Zieger: Détournement,Impressions numériques, 106 x 148 cm, 2010.

   
Brigitte Zieger: Serial Self, vidéo, 4'44'', 1999


Kara Walker: 
... calling to me from the angry surface of some grey and threatening sea
(... m’appelant de la surface écumante de quelque mer grise et menaçante),
vidéo couleur, 9’10’’, bois, 2007
 





Vernissage jeudi 25 février à 17h30.

Exposition du 25 février au 27 mars 2010
sur une proposition de Jason Karaïndros

Réunissant des oeuvres de Kara Walker et de Brigitte Zieger, l'exposition "Man is a Shadow's Dream" emprunte son titre au fameux verbe du poète lyrique grec du 5e siècle avant J.C., Pindare. Elle constitue le 7ème volet d’une série d’expositions que Jason Karaïndros, artiste et professeur de multimédia à l’École Régionale des Beaux-Arts de Rouen, organise une fois par an dans les Galeries de l’école. Constitué de deux grandes salles qui se succèdent, cet espace d’expositions est situé dans l’Aître Sain-Maclou, un charnier, monument historique du XVIe siècle.

Deux démarches artistiques que nous pouvons qualifier d'engagées. Loin du manichéisme, sans militantisme et politiquement incorrectes, les deux artistes nous font visiter chacune à leur manière l'Histoire, oui celle avec un grand H. Attention, «les apparences trompent» et les artistes «cognent». Avec leur esprit critique, leur humour acide et leur ironie les codes sont détournés, les stéréotypes prennent un «sacré coup», les rapports des forces sont décortiqués et renversés, le politique et l'intime s'entremêlent et quand le spectateur croit reconnaître un langage visuel et plastique lisse et réconfortant, il se retrouve joyeusement déstabilisé, voire parfois choqué. Des papiers découpés et animés dans la tradition des ombres chinoises, des silhouettes découpées et collées sur les mur, des films en animation, des performances, des photographies d'avions publicitaires ou des sculptures en pied qui, quand on s'en approche, nous dévoilent leur «face cachée», sont quelques-uns des stratagèmes utilisés pour nous extraire du piège de la beauté dans lequel elles nous ont préalablement jeté afin de mieux nous confronter à la guerre, au racisme, à la domination de l'autre ou à la cruauté.

L'oeuvre présentée de Kara Walker «... calling to me from the angry surface of some grey and threatening sea» (« ... m'appelant de la surface écumante de quelque mer grise et menaçante»), généreusement prêtée par le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris, est constituée d'une vidéo en couleurs de 9'10" rétroprojetée sur un écran, entourée de silhouettes d'arbres en bois. Ce court métrage de 2007 emprunte aux codes du théâtre d'ombres traditionnel. Par la technique des ombres chinoises, nous assistons à l'inhumation d'une femme noire, puis nous découvrons sa résurrection. Nous assistons à des scènes d'accouplement avec un maître blanc qui scie aussi la jambe d'un l'adolescent. L'esclave unijambiste par la suite met à mort les amants et s'accouple avec la défunte. Un scénario qui pourrait rappeler les écrits d'un Marquis de Sade et nous plonge dans l'horreur de l'histoire de l'esclavagisme aux États-Unis. Mais si l’oeuvre de Kara Walker nous plonge dans l’histoire, elle nous projette tout autant dans l’actualité : «Dès qu’on commence à raconter l’histoire du racisme, on la revit, on crée un monstre qui nous dévore. Mais aussi longtemps qu’il y aura un Darfour, aussi longtemps que quelqu’un dira «Tu n’es pas d’ici», il semble pertinent de continuer à explorer le terrain du racisme». (Kara Walker)

Tandis que l'artiste afro-américaine revisite l'histoire de la ségrégation, de l’esclavagisme, de la Guerre de Sécession et de leurs échos dans l'histoire contemporaine des États-Unis d'aujourd'hui, Brigitte Zieger, avec ses «Sculpture anonymes» de 2008-2009, interroge les rapports que nous entretenons avec l'histoire contemporaine. Ces sculptures oscillent entre volumes et silhouettes, entre masses et vides, entre présences familières et ombres. Ces «figures» font partie de notre patrimoine visuel universel de l'histoire récente. Le garçon à la roue le jour de l'indépendance à Alger en 1962, la jeune fille avec la fleur sur sa main tendue face à la police militaire s'opposant à la guerre du Vietnam en 1967 ou encore, l'homme portant ses courses qui arrête la colonne de chars à la place Tian' anmen en 1989 ; extraites de leur statut d'"icônes" et transposées en volume grandeur nature, elles "changent de statut" et induisent une proximité étrange et d'autant plus troublante que dans leur anonymat et dans leur creux elles pourraient quelque part nous contenir. La vidéo «serial self» de 1999, par le jeu de la magie du montage, transforme le modelage, geste de base par excellence du sculpteur, en un geste fatal. Enfin, ses dernières photographies «Détournements» mettent en scène des avions qui à première vue traînent derrière eux de messages publicitaires. C'est en s'approchant que nous nous rendons compte qu'il s'agit d'engins militaires et que les messages de leur banderoles sont des phrases poétiques, des titres d'oeuvres d'artistes.
«On ne sait pas trop qui détourne qui ... le pouvoir les artistes ou les artistes les avions ...» (Brigitte Zieger)

Les paradoxes n'ont-ils pas de tout temps enchanté les philosophes, les scientifiques et les artistes ?
Jason Karaïndros


Ces expositions organisées par Jason Karaïndros, qui se présentent sous forme de «tête-à-tête», se fondent sur un dialogue entre deux artistes et leurs oeuvres. Elles offrent à des étudiants la possibilité d’assister les artistes et de faire l’expérience d’un montage d’exposition. Plus largement, ces expositions permettent à l’ensemble des étudiants de l’école de se confronter à différentes problématiques de la création contemporaine, et, en particulier, à celles liées aux outils dits «multimédia», que les artistes invités mettent en oeuvre avec la plus grande ouverture d’esprit. Pour étayer ces rencontres, l’artiste présente souvent son travail aux étudiants lors d’une conférence, et des «workshops» de trois à quatre jours sont parfois organisés avec des groupes d’étudiants. Les artistes invités, qui à priori ne se connaissaient pas avant, réalisent souvent un travail spécifique pour ce contexte, et l’ERBA, dans la mesure de ses possibilités, produit ou coproduit ces nouvelles oeuvres.

Le 1er volet de ces expositions intitulé «Guerre et Paix», réunissait en 2001 des oeuvres d’Alain Declercq et de Joël Bartolomeo, le 2ème volet, titré “Des-composition”, des oeuvres de Michel Blazy et de Vincent Victor Jouffe, le 3ème celles de Jiro Nakayama et de Roman Signer, le 4ème, des oeuvres d’Anne-Marie Cornu et du compositeur Alexandros Markeas, le 5ème, celles de Samuel Bianchini et d’Antonio Gallego et le 6ème celles de Gwen Rouvillois et de Stéphane Pichard.


Exposition du 25 février au 27 mars 2010
du mardi au samedi, de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00 (sauf jours fériés)