Comme certains
savent, pour expliquer ce qu'est un mcguffin, le mieux c'est de raconter une
scène qui se déroule dans un train : Pourriez vous me dire qu'est-ce que ce
paquet à l'aspect bizarre que vous avez placé dans le filet au-dessus de votre
tête? demande un passager. L'autre, répond: ah!, ça c'est un
"mcguffin." Le premier veut alors savoir qu'est-ce qu'un mcguffin et l'autre
lui explique: "Un mcguffin est un appareil pour chasser des lions en
Allemagne". "Mais en Allemagne il n'y a pas de lions", dis le
premier. "Alors ça ce n'est pas un mcguffin" dit l'autre.
Kassel
n'invite pas à la logique.
Enrique
Vila-Matas
Le livre de Vila-Matas commence
avec cette petite histoire que Hitchcock aurait racontée à François Truffaut,
pour se moquer de ceux qui exigent une explication et une cohérence parfaite
pour tous les éléments d'un film. Pour Hitchcock, il était question de raconter
une bonne histoire, sans attacher trop d'importance aux petites approximations.
Il considérait les films comme un spectacle en soi et non une copie conforme à
la réalité. Vila-Matas, grand conteur d'histoires, raconte souvent celles des autres comme la sienne
propre. Le récit final est un étrange mélange d'érudition documentaire et
d’histoires inventées où l'on glisse dans le vraisemblable en passant par
l'absurde. Finalement, le macguffin
n'est autre qu'un prétexte pour mettre en place un sujet plus vaste, une sorte
de porte d'entrée.
Le travail des artistes tient
souvent à ce que l'on pourrait appeler l'effet mcguffin. Les nénuphars ou la cathédrale de Rouen seraient les
macguffin de Monet au même titre que les bandes verticales de 8,7 cm sont le
macguffin de Buren. Pour d'autres, cela serait simplement une histoire vécue ou
inventée, une image banale ou inquiétante aussi bien que l'absence d'image.
Les tableaux d'Olivier Turpin se
sont servis de Macguffin différents allant des surfeurs de la côte basque à
l'architecture de Le Corbusier en passant par des éboueurs ou des maîtres
chien. Le but étant de mettre en surface un jeu de formes et de couleurs… mais
comme il le dit lui-même, de tout ça, "il ne reste que quelques
couleurs flashies, des couleurs signalétiques… le reste ayant disparu".
Depuis, la ligne s'extirpe du dessin et se libère dans l'espace en forme de CandySnake comme un interminable guidon
de vélo.
Mon travail (aussi) devient de
plus en plus un jeu qui essaie de mettre en évidence le caractère culturel des
dispositifs liés à la peinture et à son histoire. Les Tableaux ratés comme les Peintures
en forme de flaque de peinture sont des macguffin
au service de la manipulation des supports et de la matière colorée de la
peinture. Mes productions sont le résultat de cette confrontation avec la
réalité concrète des matériaux mais aussi d'une attitude conceptuelle et vitale
face au monde.
Dans le deux cas, nous pourrions
parler d'une extension du domaine de la peinture par une pollution positive de
ce qui jusqu'à là, lui était réservée. L'effet macguffin reste quant à lui, un désir abstrait de fabulation pour
ne pas dire que a rose is a rose is a
rose, souvent interprété comme les choses sont ce qu’elles sont, mais aussi
pour dire qu'elles peuvent être quelque chose d'autre.
Eggeberg Avril 2014
MAM