Vernissage de l'exposition Über
Etwas im Bilde / Quant à quelque chose dans l'image à la PAM, Plateforme d'art
de Muret, jeudi 17 janvier à partir de 18h30.
Un livret contenant un texte de Christine Buignet sera publié à cette occasion.
Ce n’est pas tant l’image et ce qu’elle représente qui intéresse Isabelle Le
Minh, que sa production et les conditions qui la font émerger. En effet,
son travail se place dans l’héritage d’artistes comme Sherrie Levine ou Elaine
Sturtevant dont la démarche appropriationiste a pour fonction de remettre en
question des notions telles que l’originalité et l’unicité de l’oeuvre d’art.
En s’appropriant, à travers des citations ou des détournements, les images
préexistantes d’artistes qui ont contribué à écrire l’Histoire de la
photographie, Isabelle Le Minh confirme la perte de l’aura de l’oeuvre d’art
initiée avec l’émergence de la photographie. Elle affirme également que
toute création, malgré sa nouveauté, se situe par rapport à un avant : en
filiation ou en rejet, une nouvelle oeuvre se positionne en regard des
précédentes. Ainsi, elle intervient sur des photographies de
Cartier- Bresson, dresse des clins d’oeil au Word Paintings d’Ed
Rusha, ou rejoue les oeuvres d’Hiroshi Sugimoto.
Mais Isabelle Le Minh dépasse
ces questions que l’avènement du numérique puis d’Internet oblige à réexaminer.
Aussi, elle ne copie jamais à l’identique une image et opère un
glissement. S’engage alors un jeu de reconnaissance avec le spectateur.
Face aux images de Cartier-Bresson vidées des personnages en mouvement, et
donc de tout ce qui relève du fameux instant décisif qui a fait la
célébrité de l’artiste, le spectateur engage un jeu d’identification ou du
moins ressent une étrange familiarité. En gommant la caractéristique
principale (l’instant décisif) l’artiste renouvelle également l’approche de ces
images vues et revues, une approche basée non plus sur la capacité du
photographe à saisir le moment le plus juste mais sur la construction géométrique
de ses photographies. Avec Equivalents Isabelle Le Minh explore
directement le traitement des images par internet. Elle fait rechercher par
google des images similaires à une première image et en dresse un
inventaire. Elle révèle la perte de la valeur iconographique des images au
profit des critères comme le format, des valeurs colorimétriques et autres
données informatiques qui nous échappent visuellement.
En marge de ces réflexions sur
l’image, son statut et ses conditions d’émergence, pointent une forme de
malice, une note d’humour. D’abord avec ses idées concises dont l’évidence
s’oppose à la complexe entreprise permettant leur réalisation. Elle part en
Chine pour faire copier en peinture des photographies (Lointain si proche,
made in China, After Alighero e Boetti/pentaprisms), elle crée un
inventaire d’images dont l’envergure et, on suppose, la mise en page
contrastent avec la rapidité de la recherche Internet (Equivalents),
pour Just an illusion la réalisation laborieuse de la sculpture en film
photographique s’oppose à la simplicité du résultat.
Il y a là aussi une forme d’idiotie (dans tout ce que le terme peut avoir de
positif) dans son travail : les Darkroomscapes (After Hiroshi Sugimoto)
ne sont pas en réalité des paysages marins mais des enregistrements de la
surface du révélateur dans les cuvettes de développement. Si la série témoigne
de la capacité de la photographie à transformer le réel, c’est avec
beaucoup de dérision car la photographie est produite de bout en bout dans
la chambre noire, elle s’autoproduit absurdement, devenant son propre motif.
Enfin, et c’est là peut-être le
tour de force d’Isabelle Le Minh, chacune des oeuvres est saisissable en dehors
des références qu’elle convoque. La série des Darkroomscapes
convoque à la fois les notions de paysages, de temps et de contemplation. La
série Trop tôt ou trop tard renvoie quant à elle à l’absence de la
figure humaine.
Exposition du 17 janvier au 28 février 2013, du mardi au vendredi de 14h à 18h,
le mercredi jusqu'à 19h + évènements et rendez-vous.
Plateforme d’Art de Muret
La Théâtrerie
1 square des combattants d’AFN
31600 Muret